lundi 15 avril 2013


PORTRAIT : BA Nassou Traoré
« Une commandante »  ….restauratrice

Trônant au milieu de son restaurant, au milieu de la dizaine d’employés c’est elle la « commandante ». Elle connait, tout le monde et tout le monde lui parle. Ba Nassou, gère depuis vingt ans son restaurant à la rue 30 de la médina, un des nombreux quartiers populeux de la Médina à Dakar.
Partie de son Mali natal, Ba Nassou vint retrouver son mari à Dakar dans les années 90. Deux ans plu tard, ce dernier décédait, laissant entre ces mains  leur nouveau né d’à peine quelques mois. Seul sans soutien et sans réelle famille à Dakar, elle se lance dans la restauration avec le peu d’économie que lui avait laissé son mécanicien de mari. Battante, cette première d’une fratrie de cinq enfants, sait se débrouiller. La cause elle a très vite joué le rôle de mère auprès de ses frères après le décès prématuré de leur mère, quant elle n’avait que 12 ans. Petit à petit donc, elle parvint à se faire une réputation dans le quartier de la médina grâce à ces talents culinaires. Celle qui raffole du « tô » plat bambara fait à base de mil ou de maïs, excelle dans la cuisson des recettes sénégalaise, Tchèp djène, tchèp yap, souboukandja Mafé et même le kaldou, qui est plat typiquement casamançais. Les clients à l’instar de Ibra Diouf ne tarissent pas d’éloges quand il s’agit d’apprécier la cuisine de Ba Nassou « Cela fait dix ans que je vis à la médina, le seul restaurant qui a pu me fidéliser c’est celui de Ba Nassou, à cause de la qualité e du goût des plats qu’on y sert ».  Celle qu’on surnomme la « commandante » du fait de son intransigeance et son autorité à la limite dictatoriale, se révèle une tout autre personne, quand elle voit errer des enfants talibés dans les rues à la recherche de pitance. Pour celle qui a connu une enfance difficile cette  pitié envers ces jeunes, se transforme chaque jour en distribution de plats et restes aux talibés qui y rodent à longueur de journée.
Souvent, et toujours avec le mot juste il lui arrive  de calmer  certains clients qui trouvent ces talibés envahissants.
Le sobriquet de « commandante » qui lui colle à la peau ne la gêne nullement. Elle se plait souvent à se l’entendre dire. Cela rappelle à Ba Nassou Traoré ses aïeux, Tiéba et Babemba qui ont d’une main de fer gouverner sur l’immense royaume Bambara de Ségou.  Cette région située à quelques 300 kilomètre de Bamako, est là où elle tire sa passion pour la cuisine. Ba Nassou, se souvient, nostalgique de cette période, où la seule satisfaction de la femme était que son mari apprécie son plat. « Au début c’est par souci de me faire de l’argent que je me suis mis à ce que je savais faire le plus, c'est-à-dire la restauration ». Mais elle reconnait qu’avec  le temps elle a plus été motivée par ces nombreuses filles auxquels elle offrait un emploi. « Savoir que j’aidais des filles à être indépendante financièrement m’a  le plus passionnée » dit elle. Si elle à une satisfaction dans la vie, c’est de « voir que des filles qu’elle a initié son aujourd’hui propriétaire de restaurant. » se réjouit elle. Mais celles-ci ne retiennent pas toujours de bons souvenirs de leur passage sous son magistère. Pour Mariame Guèye aujourd’hui propriétaire de restaurant « Ba Nassou n’est  pas toujours d’un commerce facile. Autant elle peut être attachante, qu’elle peut être insupportable. Son penchant pour la supériorité sur celle de ses employés demeure son plus grand défaut », se souvient elle. Si Ba Nassou se reconnait volontiers ce caractère, elle n’y voit rien de méprisant. Car selon elle, descendant de vigoureux rois, il ne peut y avoir deux « commandants » dans un même bateau. « Et jusqu’à preuve du contraire je demeure la seule patronne de MON restaurant » crache sec la « commande ».
Férue des cérémonies de mariages, baptêmes, comme toute « djandjigui » (femme imposante) elle ne se fait pas prier pour prendre part à ces manifestations. Ce sont des moments privilégiés,  au cours des quels  elle distribue des billets de banques aux griots qui flattent son égo en lui rappelant sa « noble » descendance.   Entre deux discours, il suffit que l’on énonce  l’anecdote,  selon laquelle, elle a un jour par mégarde plongé les poissons dans la sauce sans les avoir lavés et encore moins  nettoyés et le grand rire qui s’en suit est si contagieux que tout le restaurant s’en trouve contaminer.
Mohamed DAGNOKO

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire